390 milliards pour relancer l’Europe : un montant historique mais tout reste à faire…

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Pour la première fois, l’Europe émet de la dette commune pour renforcer les pays les plus en difficulté.

Malgré l’opposition de 5 pays, dits ”les frugaux” (Pays-Bas, Autriche, Suède, Danemark, Finlande), et même si le montant final est passé de 500 à 390 milliards d’euros, le Fonds de relance, basé sur un emprunt de l’UE et redistribué aux pays membres en fonction de l’impact subi lors de la crise sanitaire, est une petite révolution de solidarité entre pays européens. Pour la première fois l’Europe émet de la dette commune, AAA, pour renforcer les pays les plus en difficulté. Il a fallu un changement à 180° de doctrine de la part du gouvernement fédéral allemand sur le sujet pour que virage soit pris à 27. 

L’Italie, l’Espagne et la France seront les 3 plus grands bénéficiaires, quand l’Allemagne, en comparaison de son poids économique, recevra une somme bien moindre. 

Un plan de relance obtenu au prix de marchandages pathétiques

Il n’en reste pas moins que cette longue négociation laisse un goût amer dans la bouche. Les pays du groupe dit “de Visegrad” (Hongrie et Pologne notamment), dirigés pour partie par des gouvernements qui multiplient les attaques contre l’Etat de droit, ont obtenu, en échange de leur soutien, un affaiblissement du dispositif qui devait conditionner pour la première fois le transfert d’argent au respect des principes démocratiques. Les 5 “frugaux” de leur côté, ont obtenu une réduction drastique de certains objectifs du budget européen. Sur la santé, sur la recherche, sur le fonds de transition juste (destiné à aider les régions les plus touchées par la sortie des énergies fossiles), les propositions de la Commission européenne ont diminué comme peau de chagrin. 

Mais l’essentiel reste à faire pour que cet argent bénéficie vraiment à la transition écologique. 

Pour la Fondation Nicolas Hulot, la solidarité européenne est une condition à toute transition écologique sur le continent. Encore faut-il que l’effort qui s’annonce ne reproduise pas les erreurs du passé, lorsque que pour relancer une machine économique à bout de souffle, on a misé sur les autoroutes, les aéroports, les pipelines de gaz ou encore la construction de centres commerciaux loin de tout. Que dit l’accord ? En résumé, que la bataille ne fait que commencer. 

A l’article 18 (page 15) de l’accord, il est notamment écrit (https://www.consilium.europa.eu/media/45125/210720-euco-final-conclusion...)  : 

1. (...) au moins 30 % du montant total des dépenses à charge du budget de l’Union et des dépenses au titre de Next Generation EU sont des mesures en faveur d’objectifs climatiques. 

C’est mieux que les 25% retenus jusque là. C’est loin des 40% défendus un temps par la France et les 50% défendus par les ONGE dont la FNH. Mais la question s’étend à la définition même de ce qui est bon pour le climat. En effet, pour l’heure, les subventions issues du Pilier 1 de la politique agricole commune (qui ne sont pas toutes ni parfaitement conditionnées à des pratiques durables) sont considérées comme contribuant pour 40% à l’action climatique, ce qui n’a pas de sens.

2. Les dépenses de l’UE devraient concorder avec les objectifs de l’Accord de Paris et le principe de "ne pas nuire" du pacte vert pour l’Europe. 

Ici figure une des nouveautés de la période. Le principe “ne pas nuire” ou “do no harm” en anglais signifie en théorie qu’aucun euro européen ne peut aller à un projet ou une politique qui affecterait négativement le climat ou la biodiversité. Appliqué strictement, cela représenterait une autre révolution pour le budget européen. Le principe est donc affirmé mais n’a pour l’heure aucune traduction légale. Ce sera l’objet de négociations à venir entre les ministres européens et le Parlement européen. Ici se jouera la cohérence des actes avec les discours. 

3. Une méthode efficace de suivi des dépenses liées au climat et de leur exécution, y compris l’établissement de rapports et des mesures pertinentes en cas de progrès insuffisants, devrait garantir que le prochain Cadre Financier Pluriannuel (CFP = le budget européen en langage courant) dans son ensemble contribue à la mise en œuvre de l’Accord de Paris. 

Cette méthode efficace n’existe pas encore. Pour l’heure, chacun fait à peu près ce qu’il souhaite. Le Parlement européen sera au coeur de la discussion. L’eurodéputé français Pascal Canfin, président de la Commission environnement, et en même temps proche d’Emmanuel Macron aura une lourde responsabilité dans ces négociations. Car la mobilisation des groupes de pression croît pour limiter l’ambition climatique du plan. 

Ce plan de relance marquera t-il la fin de l’austérité ? 

L’austérité a toujours reposé sur deux pieds. Le premier est une idéologie politique, qui construit une opposition entre les bons élèves et les mauvais, les fourmis et les cigales, les pays rigoureux et les pays dispendieux. Avec cette fausse analyse selon laquelle un Etat serait comme une entreprise, sujette à la faillite au moindre écart. Le second est une gouvernance qui permet aux gouvernements les plus durs d’imposer la loi aux autres. 

Que peut-on dire au sortir du sommet ? Que l’idéologie a été en partie mise entre parenthèses suite au revirement du gouvernement allemand. Et que la gouvernance - le contrôle- demandée par les 5 “frugaux” a été mise en place sans pour autant leur donner le droit de veto - synonyme de retour des pires moments de la troïka qui avait mis la Grèce à genoux pour un résultat économique et social désastreux. 

Alors non l’accord ne marque pas le retour de l’austérité. Les gouvernements espagnol et italien l’auraient de toute façon rejeté. Mais l’accord ne nous préserve pas pour autant d’un retour en arrière, lorsque le temps de la relance sera passé. 

Au-delà du plan de relance et du budget européen, une autre bataille s’annonce donc. Celle de la réforme du pacte de stabilité et de croissance qui fixe depuis des années les règles qui ont mené à la compression des investissements publics dont nous avons tant besoin pour financer la transition et accompagner les ménages et les entreprises à bon port climatique. Ces règles ont été suspendues le temps de la crise sanitaire. Mais déjà certaines voix s’élèvent pour rappeler - historiquement totalement à tort - que toute dette se rembourse et qu’il faudra faire des efforts. Faire de la croissance ou des coupes budgétaires. Deux impasses pour le climat. 

L’Union européenne a prouvé qu’elle avait encore un bout de chemin à faire. Mais dès demain il faudra éviter les embûches.

Chapo : 
Alors que l’impact social et économique de la crise sanitaire se fait déjà ressentir, l’accord signé par les 27 chefs d’Etat et de gouvernement mardi 21 juillet est une étape importante pour l’Europe. Négocié âprement par les 27, l’accord concerne deux blocs législatifs : le plan de relance appelé “Next Generation EU” (période 2021-2023) et le budget pluriannuel de l’Union européenne (UE) qui fixe les priorités et le plafond de dépenses pour la période 2021-2027. Certes, il s’agit d’une étape importante, car elle fixe la position des gouvernements européens, mais seulement d’une étape , car l’ensemble des textes législatifs qui constituent le plan de relance et le budget européen seront adoptés en codécision avec le Parlement européen. S’il est probable que les points essentiels restent inscrits dans le marbre, il est possible, et souhaitable, que les parlementaires bataillent pour garantir et renforcer les ambitions de ce grand paquet budgétaire, notamment en matière climatique et de biodiversité. Combien bénéficieront vraiment à la transition écologique ? Les conditions seront-elles réunies pour être efficace pour le climat et la nature ? Pour l’heure, le flou persiste.
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