Santé publique : le fluor est-il vraiment notre ami ?
Le fluor, nous le connaissons tous grâce aux publicités pour les dentifrices. Mais avant de fortifier l’émail de nos dents, le fluor est avant tout un ETM (élément-trace métallique), comme le nickel ou le mercure par exemple. Une trop forte présence dans notre alimentation peut parfois poser problème.
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Les plus de 40 ans s’en souviennent : les publicités à la télé dans les années 80 ne faisaient que vanter les vertus du fluor. « À gauche, un garçon qui mâche du chewing-gum ; à droite, un garçon qui mâche du Fluogum. À première vue, c’est la même chose, mais ce n’est pas la même chose ! Dans Fluogum, il y a du fluor, et le fluor, c’est bon pour les dents ! », entonnait un chœur d’enfants. Nous avons été bercés par cette idée, mais les vérités des années 80 ne se sont pas toujours celles d’aujourd’hui…
Le fluor oui, mais à très petites doses
Selon l’Union française pour la santé bucco-dentaire (UFSBD), le fluor est « un oligo-élément qui entre dans la constitution des dents. Il est présent en quantité non-négligeable dans certaines eaux minérales, dans certains sels fluorés et dans la plupart des dentifrices et certains bains de bouche. Le fluor renforce l’émail, soit superficiellement lorsqu’il est utilisé en application locale dite topique (dentifrice, bain de bouche), soit en profondeur lorsqu’il est donné par voie orale dite systémique, avant l’éruption des dents (eau, comprimé, sel fluoré). Le fluor existe à l’état de traces dans la plupart des aliments, l’eau en est la source principale ». Le fluor intervient également dans la formation de la masse osseuse et des cartilages, mais un excès de fluor provoque la fluorose, cause des dommages irréparables aux dents, aux reins et mêmes aux os. Voici pour la présentation officielle. Cet élément a donc deux facettes, l’une positive et l’autre négative, en fonction du dosage. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande pour l’adulte une dose journalière de 0,05mg/kg ; passé 1mg/kg, on parle alors de fluorose qui touche principalement les enfants avant l’âge de 8 ans.
En 2019, l’UFSBD a émis de nouvelles recommandations quant à l’apport quotidien de fluor lors du brossage de dents : « Le dosage en fluor dans les dentifrices doit être de 1000ppm de 6 mois à 6 ans et de 1450ppm au-delà de 6 ans pour répondre aux données actuelles de l’Evidence Based Dentistry (ndrl : recommandations émises par l’American Dental Association). » Dans ces recommandations, l’UFSBD regrette la présence sur le marché de dentifrices « low cost » pour les enfants, dosés à 500ppm, soit moitié moins que le dosage prescrit. Selon elle, ces produits sont « sous dosés pour assurer une réelle action préventive de la carie. Et représentent une perte de chance pour les enfants en matière de prévention carieuse ». Aux consommateurs d’être attentifs, dans les rayons de supermarchés, à ce qu’ils achètent.
Cela dit, le dentifrice n’est pas la seule source de fluor pour l’organisme humain. Comme souligné par l’Union française pour la santé bucco-dentaire, il se retrouve également dans des aliments (sel fluoré, noix, arachides, épinards, thé, poissons…) et surtout dans l’eau que nous buvons.
L’eau, principal vecteur d’imprégnation
Il n’y a donc pas que le dentifrice dans la vie. Car c’est principalement via l’eau que le fluor entre dans notre organisme. Soit par l’eau minérale en bouteilles, soit par l’eau potable du robinet. Commençons par l’eau en bouteille : en fonction des sources, les eaux disponibles dans le commerce sont plus ou moins chargées en fluor. La plus riche – et de loin – est la Saint-Yorre (8,9mg/l), les trois plus « light » sont la Contrex (0,3), la Vittel (0,3) et Volvic (0,2). À chacun ses choix, en tant que consommateurs.
Au tour de l’eau du robinet maintenant. Car là, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. La France respecte les normes de l’OMS et de l’Union européenne qui plafonnent la présence de fluor à 1,5mg par litre. Ces 20 dernières années, l’Agence nationale sécurité sanitaire alimentaire nationale (ANSES) s’est penchée à plusieurs reprises sur la question du fluor dans l’eau destinée à la consommation humaine. Selon son rapport de 2005 sur l’évaluation des risques sanitaires liés aux dépassements de la limite de qualité des fluorures dans les eaux destinées à la consommation humaine, « les formes chimiques dominantes du fluor dans l’eau sont les fluorures de sodium (NaF), les fluorures de potassium (KF), les fluorures de calcium (CaF2) et l’acide fluorhydrique (HF). […] L’ingestion de doses critiques de fluorures peut entraîner des désordres digestifs (nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhée), un état de fatigue avec somnolence, voire des convulsions, un coma ou un arrêt cardiaque. Du point de vue biologique, des troubles de la coagulation peuvent apparaître. Chez l’adulte, la dose létale est de 2 à 4 grammes de fluorures ».
Mais pas de panique. Avec 12 millions d’analyses pratiquées chaque année, l’eau est la denrée alimentaire la plus contrôlée en France. « Le fluor est un élément dont la présence dans l’eau est principalement d’origine naturelle, soulignait un rapport sur l’eau potable du ministère de la Santé en 2007. Bénéfique à faible dose, le fluor peut engendrer des effets sur la santé en cas de présence trop importante dans l’eau. Un contrôle régulier est donc effectué, afin de vérifier le respect de la limite de qualité fixée à 1,5mg/l. En 2006, 99,3% des mesures ont été conformes. » Mieux vaut prévenir que guérir, les autorités sanitaires européennes et nationales continuent de serrer la vis, avec des normes renouvelées comme le montre la nouvelle directive européenne du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.
Dans certains pays, la fluorose sévit de façon endémique
Sans aller jusqu’à la « dose létale » mentionnée plus tôt, un apport trop massif en fluor est donc synonyme de fluorose, dentaire ou osseuse. Toujours selon l’ANSES, la première provoque des colorations brunâtres sur les dents, elle apparaît lorsque la concentration en fluor dépasse, selon l’OMS, 1,5 à 2mg par litre d’eau, et concerne principalement les enfants pendant la période de minéralisation des dents, jusqu’à l’âge de 12 ans. La seconde, la fluorose osseuse, peut aller jusqu’à modifier la structure du squelette mais n’est observée que dans quelques pays. De façon plus générale, les eaux consommées peuvent présenter une teneur en fluor de 3 à 10mg/l dans certaines régions l’Asie, l’Afrique du Nord ou l’Afrique sub-saharienne.
(Source de la carte : https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers4/010031017.pdf)
Selon l’UNICEF, une trentaine de pays comptent des populations touchées par la fluorose. « Cette maladie est provoquée par un apport excessif en fluor (>7,75 mg/jour) sur une période minimale de cinq ans, précise une étude intitulée Les eaux souterraines riches en fluor dans le monde, publiée par la Maison des sciences de l’eau de Montpellier. La fluorose endémique concerne actuellement environ 30 pays répartis à travers les cinq continents. » Parmi eux, la Chine, l’Inde, le Mexique, le Sénégal, le Niger, l’Ethiopie, l’Erythrée, l’Algérie, le Maroc, la Turquie, l’Irak ou encore l’Argentine et l’Australie. Au total, 70 millions de personnes seraient atteintes de fluorose à travers le monde.
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