Eau : le métabolite du chlorothalonil R471811 retrouvé en dépassement de la quantité autorisée dans plus d’un prélèvement sur trois
L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a étudié des prélèvements d’eau dans tous les départements, y compris en Outre-mer, à la recherche notamment de 157 pesticides et de leurs métabolites, le résultat est alarmant.
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L’eau du robinet contaminée
Des résidus issus d’un fongicide, pourtant interdit depuis des années, sont omniprésents dans l’eau potable : c’est la conclusion d’un rapport des autorités sanitaires pointant du doigt la persistance dans l’environnement de traces de pesticides même longtemps après la fin de leur utilisation. L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a étudié des prélèvements d’eau dans tous les départements, y compris en Outre-mer, à la recherche notamment de 157 pesticides et de leurs métabolites, c’est-à-dire des composants issus de leur dégradation. "Sur les 157 composés recherchés, 89 ont été quantifiés au moins une fois en eau brute et 77 en eau traitée", indique jeudi l’Anses dans un rapport. Cette étude porte sur des prélèvements d’eaux brutes et traitées, réalisés sur l’ensemble du territoire français, y compris en outre-mer. Les résultats issus des quelque 136 000 analyses réalisées montrent une vaste contamination aux résidus de pesticides, même des années après leur utilisation.
Métabolite du chlorothalonil R471811
Un cas a particulièrement attiré l’attention des experts : le métabolite du chlorothalonil R471811 - le plus fréquemment retrouvé, "dans plus d’un prélèvement sur deux" - qui conduit à des dépassements de la limite de qualité (0,1 µg/litre) "dans plus d’un prélèvement sur trois". Le résidu d’un fongicide interdit est omniprésent dans l’eau potable et au-delà de la limite de qualité dans un tiers des cas. L’Anses a retenu, avant de mener l’enquête, 157 pesticides et métabolites de pesticides, c’est-à-dire les résidus de ces pesticides. Au total, "89 d’entre eux ont été détectés au moins une fois dans les eaux brutes et 77 fois dans les eaux traitées", relève l’agence de sécurité sanitaire.
Ce métabolite est issu de la dégradation dans l’environnement du chlorothalonil, un fongicide pourtant interdit en France depuis 2020. Les autorités françaises avaient été alertées de sa présence fréquente dans les eaux de consommation suisses.
"Ces résultats attestent qu’en fonction de leurs propriétés, certains métabolites de pesticides peuvent rester présents dans l’environnement plusieurs années après l’interdiction de la substance active dont ils sont issus", conclut l’Anses.
Pour sept composés, les analyses ont mis en évidence "des dépassements de la limite de qualité de 0,1 µg/litre". "Un cas en particulier se dégage", selon l’Anses : celui du métabolite du chlorothalonil R471811. Ce dernier est issu de la dégradation dans l’environnement du chlorothalonil, un fongicide interdit en France depuis 2020, mais longtemps utilisé dans de nombreuses cultures (vignes, céréales, pommes de terre), selon une fiche de phytopharmacovigilance de l’Anses datée de 2017. Il a retenu l’attention de l’agence de sécurité sanitaire car il s’agit du résidu de pesticide retrouvé le plus fréquemment, "dans plus d’un échantillon sur deux", et qu’il a conduit à des dépassements de la limite de qualité "dans plus d’un échantillon sur trois".
Rapport d’appui scientifique et technique publié le 6 avril 2023
La Commission européenne n’avait pas renouvelé en 2019 l’autorisation du chlorothalonil. La France avait alors accordé un délai de grâce jusqu’en mai 2020 pour permettre d’écouler des stocks de ce produit. Bruxelles relevait, à l’époque, qu’il était "impossible à ce jour d’établir que la présence de métabolites du chlorothalonil dans les eaux souterraines n’aura pas d’effets nocifs sur la santé humaine". La Commission reprenait les conclusions de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, qui écrivait, en avril 2019, que le chlorothalonil "devrait être classé comme cancérogène de catégorie 1B", c’est-à-dire cancérogène "supposé".
Le résidu d’un herbicide, déjà dans le viseur des autorités sanitaires, détecté dans plus de la moitié des échantillons
L’Anses pointe également la présence d’un autre métabolite de pesticide, le métolachlore ESA, dans plus de la moitié des échantillons prélevés. C’est un résidu du S-métolachlore, "une substance active herbicide de la famille des chloracétamides", qui "entre dans la composition de différents herbicides", expliquait l’Anses dans un rapport de septembre 2021. Le S-métolachlore, avec 1 946 tonnes écoulées chaque année, est "l’une des substances actives herbicides les plus utilisées en France", note l’Anses. L’agence de sécurité sanitaire, mandatée pour évaluer et autoriser ou non les pesticides, avait d’ailleurs engagé une procédure de retrait de cet herbicide très utilisé sur le maïs, le soja et le tournesol. Mais le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a demandé à l’Anses de faire marche arrière, au nom de la "souveraineté alimentaire".
Des résidus d’explosifs dans moins de 10% des prélèvements
En France, la contamination de l’eau potable par des résidus d’explosifs est une conséquence, déjà connue, "des deux guerres mondiales du XXe siècle, et plus particulièrement de la première (1914-1918)", explique l’Anses, précisant que "les activités militaires (fabrication de munitions, zones de combats, zones de destruction) ont entraîné une potentielle pollution environnementale d’une grande diversité chimique". Pour établir un état des lieux plus précis, la campagne nationale de prélèvements et d’analyses s’est donc penchée sur "différents composés organiques constitutifs des munitions des deux guerres mondiales". Au total, 54 molécules ont été recherchées.
Les résultats montrent une soixantaine de sites positifs, un peu partout en France, mais pour des raisons différentes. Dans les zones "historiques", les Hauts-de-France et le Grand-Est, il s’agit d’une "forte concentration de molécules de la famille du TNT, comme les sites correspondant à des combats de la Grande guerre ou des terrains de démolition après la Première guerre mondiale".
L’agence de sécurité sanitaire pointe également en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie "une contamination par des explosifs dits ’modernes’ comme HMX et RDX, utilisés depuis la Seconde Guerre mondiale que l’on retrouve encore dans des compositions d’explosifs actuels". Dans tous les cas, les taux mesurés ne présentent rien de préoccupant, assure l’Anses.
D’infimes traces d’un solvant cancérogène, le 1,4-dioxane, dans 8% des échantillons
Le 1,4-dioxane est classé cancérogène de catégorie 2B par le Centre international de recherche contre le cancer, rappelle l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). "Son rejet dans l’environnement est principalement lié aux pratiques d’élimination des déchets chimiques ou aux rejets d’eaux résiduaires", explique l’Anses. Le dioxane, liste l’INRS, peut être utilisé dans la fabrication d’autres produits chimiques organiques de base, de matières plastiques de base, de savons, détergents et produits d’entretien, de produits chimiques à usage industriel, de peinture, de vernis ou encore d’encres.
Des traces de dioxane ont été trouvées dans 8% des échantillons prélevés par l’agence de sécurité sanitaire dans le cadre de son étude. Si les réglementations européenne et nationale ne prévoient pas de valeur réglementaire pour le 1,4-dioxane dans les eaux destinées à la consommation humaine, il n’y a pas d’inquiétude à avoir tant les taux mesurés sont faibles. Le critère de qualité pour l’eau potable est fixé à 50 µg/L par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En France, la concentration maximale observée en eau brute est de 4,8 µg/L. Il faut également souligner que le seuil de détection était extrêmement bas (fixé à 0,15 µg/L) et que, dans 92% des cas, ce seuil n’a pas été dépassé.
Impacts sur la santé humaine ?
Evidemment, personne n’en sait rien à ce jour. "Une étude de toxicité in vivo de 90 jours chez le rat (du métabolite) a été menée en 2023 à la demande des autorités françaises pour répondre aux questions dans les différents pays européens. Les résultats finaux devraient être disponibles d’ici le troisième trimestre 2023", a précisé un porte-parole.
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