La bonne gestion de l’eau en Afrique, clé de la compétitivité agricole

Gestion de l’eau en Afrique ©stock.adobe.com

Publié le

Depuis quelques années, des solutions locales voient le jour sur le continent pour améliorer la productivité agricole aujourd’hui très faible comparé à d’autres régions en développement comme la chine et l’Inde.

En Afrique, la saison des pluies rime avec la saison des semences de céréales. Sur le continent, une large partie des paysans dépend encore uniquement des eaux de pluie pour leurs cultures. Mais en raison du changement climatique observé ces dernières années, l’eau ne tombe pas toujours du ciel au bon moment. Souvent, elle arrive trop tard, trop tôt, voire ne tombe pas du tout. Il y a aussi ces années où il y a beaucoup trop d’eau. Conséquence de ce dérèglement climatique, combiné à la faible diffusion sur le continent de moyens d’irrigation adaptés : les cultures africaines sont insuffisamment productives. Selon plusieurs études, le rendement des cultures céréalières en Afrique s’élève seulement à 1,3 tonne par hectare soit la moitié du rendement en Inde, et le quart du rendement atteint dans les exploitations en chine.

L’agriculture africaine doit donc se réinventer pour gagner en productivité face aux producteurs asiatiques et américains. Mais comment ?

L’une des solutions pour redynamiser l’agriculture du continent passe par une meilleure gestion des ressources en eau pour rendre l’irrigation accessible au plus grand nombre de paysans. Aujourd’hui, seules 6% des terres cultivées en Afrique sont irriguées et les deux tiers de ces terres irriguées sont concentrées dans 5 pays : Afrique du sud, Soudan, Egypte, Madagascar, et Maroc, selon le rapport 2016 de la BAD (la Banque africaine de développement) consacré à l’Agriculture africaine. En plus de limiter la dépendance aux précipitations, l’irrigation permet d’augmenter d’au moins de 50% la productivité agricole. « L’irrigation en goutte-à-goutte est particulièrement durable en raison de sa capacité à économiser jusqu’à 60% d’eau par rapport à toute autre méthode », précisent les experts de la BAD.

La « tech » pour relever le défi de l’irrigation

Ces dernières années, plusieurs initiatives innovantes ont vu le jour grâce à des entrepreneurs du monde de l’ « Agritech ». Au Kenya par exemple, SunCulture (1) a déjà commencé à révolutionner la vie des agriculteurs. La startup a mis au point un système d’arrosage qui fonctionne à l’énergie solaire. Grâce à des pompes alimentées par le solaire, les agriculteurs puisent l’eau depuis un lac ou dans des sources souterraines. L’eau puisée est directement stockée dans une cuve externe qui sert ensuite à irriguer les sols quand il le faut. Cette solution permet ainsi de faire face aux problèmes liés aux faibles précipitations. Selon les créateurs de SunCulture, leur solution permet d’augmenter les rendements de 300% et de baisser la consommation d’eau de 80% car le système d’irrigation solaire au goutte-à-goutte répartit l’eau directement à la racine des cultures.

Au Niger, également, pour limiter le gaspillage de l’eau, Abdou Maman Kané - fondateur de Tech-Innov (2), a lui imaginé une autre solution : donner la possibilité aux paysans d’irriguer leurs fermes à distance via le téléphone portable ; cela s’appelle de la télé-irrigation. Le système est simple : il s’agit d’un boîtier équipé d’une puce GSM qui est connecté au réseau de canalisations installées dans les champs. Pour activer l’irrigation à distance il suffit alors à l’agriculteur de composer un code depuis son smartphone. Mieux encore, le système permet de mesurer l’humidité du sol et d’ajuster ainsi l’arrosage. Ce qui, au demeurant, permet de réduire considérablement le gaspillage des ressources.

Les eaux usées, une ressource inexploitée

L’autre clé de la productivité agricole en Afrique est la réutilisation des eaux usées pour l’irrigation des champs. Depuis quelques années, cette solution est préconisée par la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) qui pointe du doigt les immenses quantités d’eau gaspillées partout dans le monde. En plus d’aider à remédier aux pénuries d’eau, indique la FAO, les eaux usées contiennent souvent une charge nutritive élevée qui en ferait un engrais très efficace pour les cultures.

Mais force est de constater qu’en Afrique, très peu de pays ont pour l’heure instauré une politique de réutilisation des eaux usées. Surtout, les infrastructures de traitement font encore défaut, à part dans quelques pays comme l’Egypte, l’Afrique du sud (où 98% des eaux usées de Durban sont recyclées) et la Namibie qui traite 35% de ses eaux usées (voire 60% dans la capitale Windhoek). « Seuls 30% des africains subsahariens sont reliés à des réseaux de traitement d’eaux pluviales et usées. Partout ailleurs le rejet se fait directement dans le milieu naturel avec les dangers sanitaires et épidémiologiques que l’on connait. Prenez l’exemple du fleuve Niger et du fleuve Sénégal : les ressources en eau sont déjà à leur limite parce que les eaux usées ne sont pas traitées », remarque Sébastien Gary, directeur du développement Afrique de Veolia Water Technologies. Selon lui, des technologies simples et efficaces pour recycler les eaux usées, en vue de leur réutilisation dans les fermes en Afrique, existent pourtant.

Veolia Water Technologies, très actif sur le continent, déploie à lui seul pas moins de 350 technologies de traitement des eaux dont certaines ont été développées spécifiquement en Afrique, à l’image de ces stations d’épuration d’eau mobiles et indépendantes qui fonctionnent à l’énergie solaire et, donc, peuvent être installées facilement dans des zones reculées. Le groupe a d’ailleurs inauguré en juin 2018 à Johannesbourg, en Afrique du sud, une nouvelle usine qui produira des stations d’eau préfabriquées mais aussi 15 000 tonnes de produits chimiques de traitement d’eau par an destinés au marché africain. Pour Sébastien Gary, la réutilisation des eaux usées est un sujet qui doit être désormais pris très au sérieux par les pays africains. « Avec un faible investissement, on peut avoir un impact sur un grand nombre de familles. Ces pôles de cultures [à base d’irrigation] permettent aux populations de s’installer durablement dans une région donnée et de ne pas être obligées d’émigrer au gré des précipitations », résume-t-il.

Loin d’être des déchets problématiques, les eaux usées peuvent donc être aussi une formidable ressource pour l’agriculture africaine. Si le continent veut atteindre son autosuffisance alimentaire et espérer devenir un jour le grenier du monde, puisqu’il en a la capacité, il n’a pas le choix. Toutes les solutions sont bonnes à prendre pour augmenter les rendements des cultures dans un continent où 7 personnes sur 10 tirent leurs moyens de subsistance de l’agriculture. Investir pour rendre les cultures des paysans plus productives et compétitives est aussi un enjeu de développement inclusif pour les gouvernements. L’Afrique s’est avérée être le continent qui a connu la plus forte croissance économique ces dix dernières années, mais cette croissance s’est concentrée dans quelques secteurs et grandes villes seulement. Les agriculteurs du continent ont, pour l’instant, encore peu profité des retombées de ce dynamisme retrouvé.

1 : http://sunculture.com/
2 : http://www.tele-irrigation.net/

🔍 Avis & notations

Avis des lecteurs de La bonne gestion de l’eau en Afrique, clé de la compétitivité agricole :
Note de 5.0 sur 5
Note moyenne des lecteurs : 4.98/5 sur 1 avis
👉 Votre note pour La bonne gestion de l’eau en Afrique, clé de la... ? Je note La bonne gestion de l’eau en Afrique, clé de la compétitivité agricole

Un commentaire ? Votre avis, lancement d'un débat ? Question ?

💬 Réagir à cet article La bonne gestion de l’eau en Publiez votre commentaire ou posez votre question...