J’ai suivi un "commando" anti-pollution lumineuse

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J’ai suivi un
Samedi 12 octobre, 21h. Une vingtaine de personnes sont réunies devant la place de l’Opéra, à Paris, pour une opération commando d’un genre un peu particulier. Armé d’un manche à balai coiffé d’un crochet de cintre, Tanguy s’approche de la vitrine d’un grand magasin, et l’éteint d’un coup sec.

Le petit groupe s’est réuni à l’occasion de la 11e édition du Jour de la Nuit, une opération nationale de "sensibilisation à la pollution lumineuse, à la protection de la biodiversité nocturne et du ciel étoilé" organisée par l’association Agir pour l’environnement.
 
En cette occasion, d’autres organisations ont programmé des actions nocturnes, l’observation de la nature, ou des extinctions d’enseignes et des recouvrement de dispositifs publicitaires, comme le groupe Résistance à l’Agression Publicitaire (R.A.P), que j’ai rejoint ce soir. Cette mobilisation a été poétiquement baptisée "Rallumons les étoiles, éteignons les publicités".



Sensibiliser à la pollution lumineuse
Avant de passer à une autre vitrine, Thomas, l’un des deux salariés de l’association R.A.P depuis 10 ans, nous met en garde  : "Il se peut que la police vienne vous ennuyer. Vous risquez soit une interpellation, qui dure environ 4h, soit une garde à vue, là c’est jusqu’à 24h". Il nous laisse son numéro de portable, "en cas de problème". Nous voilà prévenus.
 
Cependant, "rien d’illégal" dans ces actions, souligne Tanguy. Le petit groupe éteint des vitrines ou recouvre des publicités, mais ne les dégrade pas. D’autant moins illégal que les enseignes des magasins doivent être éteintes d’1h à 6h du matin et leur vitrine d’1h à 7h du matin, une règle qui n’est pas toujours respectée. Née il y 25 ans, l’association R.A.P, qui compte plus de 600 adhérents dans toute la France, réclame une législation encore plus stricte : elle souhaite que les commerces éteignent leurs lumières dès qu’ils ferment.
 
22h. Le groupe s’avance vers un kiosque à journaux, recouvert comme la plupart des kiosques de la capitale de publicités rétroéclairées pour des produits cosmétiques, des médias, des chaines de prêt-à-porter… Et même parfois d’écrans numériques sur lesquels défilent des réclames en continu.
 
Tanguy nous explique alors la technique du "recouvrement", assez simple (même si elle nécessite parfois d’avoir recours à la courte échelle) : en quelques minutes, il tapisse un écran d’une grande bâche noire, découpée pour laisser apparaître des messages, comme "La pub nuit jour et nuit" ou encore "zéro watt pour la pub".



Des actions qui interrogent
Inquiet, le serveur d’un restaurant voisin vient voir de plus près ce qui se trame. "Ils flippent toujours un peu, les gens", s’amuse Tanguy, avant de lui expliquer la raison de notre présence et de le rassurer : son établissement ne sera pas touché .
 
Jeanne, une bénévole, se fait aussi interpeller par deux touristes allemands d’une vingtaine d’années en trottinette électrique. Comme beaucoup d’autres passants, ils posent des questions, prennent quelques photos, et souhaitent bonne chance au groupe. 
 
Kiki, l’une des activistes, s’avance dès qu’elle croise un regard interrogatif pour distribuer un tract, sur lequel sont expliquées les raisons de cette action : la publicité lumineuse cause un gaspillage énergétique conséquent, une perturbation des écosystèmes, et a également un impact sur la santé humaine, peut-on y lire.
 
Le sur-éclairage nocturne affecte en effet la faune citadine comme les oiseaux, les insectes ou encore les chauves-souris. Ce phénomène occasionne aussi chez l’humain des troubles du sommeil. Afin de sensibiliser les commerçants, le groupe colle également des tracts sur les publicités bâchées et les vitrines éteintes.
   


Objectif municipales
Une jeune fille s’approche. Descendue de chez elle pour acheter à diner, elle suit finalement le groupe jusqu’à la fin de la soirée. "La pub ça m’énerve vraiment, j’ai l’impression qu’il y en a de plus en plus. On devrait être payé dès qu’on sort de chez-nous vu l’argent qu’on se fait sur notre dos !".
 
Résultat des courses : en un peu plus de deux heures, une centaine de vitrines et de publicités ont été éteintes ou recouvertes. Une goutte d’eau, sachant que les Parisiens sont exposés quotidiennement à 20 000 publicités dans la rue (sans compter celles derrière les vitrines), 60 000 dans le réseau sous-terrain de la RATP et à 40 000 autres sur les bus en circulation, souligne Thomas, citant un rapport de la mairie de Paris de 2016.
 
"Face à ce problème, les mairies peuvent agir", rappelle Tanguy. "La publicité et les enseignes relèvent du code de l’environnement, donc chaque ville peut créer son ‘règlement local de publicité’ pour que les horaires soient plus restrictifs par exemple".
 
Un sujet que le groupe local parisien de l’association R.A.P tentera de mettre en lumière lors des élections municipales de 2020.


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