Faire évoluer le droit de la famille : ce que proposent les notaires de France

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Chaque année, les notaires de France se réunissent en Congrès afin de se former, d’échanger et de débattre sur les évolutions nécessaires du droit. 15 nouvelles propositions pour faire évoluer le droit de la famille.

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À l’occasion de leur 121e Congrès à Montpellier, les notaires de France mettent la famille au cœur du débat public. Forts de leur ancrage territorial et de leur observation quotidienne des parcours de vie (mariage, Pacs, parentalité, séparation, transmission, décès), ils soumettent 15 propositions destinées à adapter le droit aux réalités contemporaines, à renforcer la sécurité juridique des proches et à prévenir les conflits. Tour d’horizon des mesures rendues publiques et de leurs enjeux.

DOCUMENTATION

Droit des familles : les 15 propositions des notaires de France

Commission 1 – La naissance de la famille

Pacs et indivision spéciale : clarifier et sécuriser. Les partenaires privilégient aujourd’hui la séparation des biens, l’indivision étant jugée obscure. Les notaires proposent de réformer les articles 515-5-1 et 515-5-2 du Code civil pour définir plus nettement le périmètre de l’indivision spéciale pacsimoniale, en sécuriser les effets et imposer l’acte notarié pour toute convention qui y recourt. Objectif : rendre l’option lisible et protectrice, notamment pour le partenaire le plus vulnérable.

Communauté “sur-mesure” dans le mariage. Sans renoncer à l’esprit de solidarité de la communauté, de plus en plus de couples souhaitent isoler certains actifs (notamment professionnels). En complétant l’article 1497 du Code civil, les époux pourraient bâtir une communauté conventionnelle adaptable, excluant certains biens tout en conservant les protections du régime.

Charges du mariage sous séparation de biens : une définition attendue. Parce que beaucoup d’époux en séparation mêlent leurs moyens (logement familial, comptes), les divorces donnent lieu à des litiges nourris. L’ajout d’un alinéa à l’article 1537 distinguerait clairement les dépenses relevant de l’obligation conjugale de celles constituant un financement personnel, afin d’accroître l’équité et de réduire le contentieux.

Tutelle anticipée de l’enfant en cas d’empêchement. Au-delà de l’hypothèse du décès, les parents ne peuvent aujourd’hui pas désigner avec effet direct un tuteur en cas d’empêchement d’exercer l’autorité parentale. La modification des articles 403 et 404 du Code civil leur ouvrirait cette faculté, renforçant la continuité de la protection de l’enfant.
Commission 2 – La vie de la famille

Changement de régime matrimonial simplifié. La procédure actuelle, assortie d’une double information et d’un droit d’opposition des enfants et des créanciers, est lourde alors que les oppositions et refus d’homologation sont rarissimes. Les notaires préconisent de supprimer la faculté d’opposition — tout en maintenant l’information et les recours existants (action en retranchement, action paulienne) — pour fluidifier et alléger la démarche.

Usufruit/nu-propriété de titres sociaux : un cadre légal. Face aux démembrements fréquents de parts de SCI, SARL ou SAS, l’absence de règles codifiées crée une insécurité juridique et fiscale. L’insertion, dans le Code civil, d’un ensemble de règles fixant les prérogatives respectives de l’usufruitier (revenus) et du nu-propriétaire (propriété) sécuriserait la pratique et limiterait les conflits.

Participation aux acquêts : moderniser la liquidation. Ce régime hybride, équilibrant séparation et communauté, demeure marginal en raison de sa complexité. Deux ajustements sont proposés : évaluer les biens à la date de dissolution du régime et aligner la prescription sur le délai quinquennal de droit commun. De quoi rendre l’option plus compréhensible et praticable.

Hypothèque légale du prêteur de deniers : un outil actualisé. Les montages immobiliers familiaux mêlant ventes et partages se heurtent aux exigences de sécurité des banques, qui recourent à l’hypothèque conventionnelle, plus coûteuse. Moderniser l’hypothèque légale du prêteur de deniers pour garantir indistinctement ventes et partages simplifierait les financements et réduirait les coûts.

Partage judiciaire : accélérer et débloquer. Avec plus de 10 700 procédures en 2023 et un délai moyen de 26 mois, la voie judiciaire du partage souffre de lourdeurs et de blocages (défaillance d’indivisaires, défaut de coopération). Les notaires proposent de renforcer les pouvoirs du notaire commis, d’affirmer l’obligation de loyauté des parties et de sécuriser la mission notariale pour favoriser des sorties de crise plus rapides.
Commission 3 – Le décès au sein de la famille

Suppression de la réserve héréditaire du conjoint survivant. Droit récent (2001, confirmé en 2006), la réserve d’un quart en pleine propriété au profit du conjoint survivant en l’absence de descendance est jugée discriminante et source de paradoxes, pouvant fragiliser la réserve des descendants ou inciter à des stratégies de contournement. Les notaires proposent sa suppression pure et simple. D’autres mesurettes relatives aux successions sont discutées dans cette commission ; à la date des informations disponibles ici, leur détail complet n’est pas public.
Ce que cela changerait pour les familles

Plus de sur-mesure et de lisibilité : Pacs mieux outillé, communauté adaptable, séparation de biens clarifiée. Les couples gagnent en prévisibilité et en cohérence entre leurs choix de vie et leurs protections juridiques.

Moins de contentieux et de coûts : procédures allégées, régime de participation modernisé, partage judiciaire fluidifié, financements immobiliers familiaux simplifiés.

Une succession plus libre et plus cohérente : la suppression de la réserve du conjoint survivant réinterroge l’équilibre entre liberté de disposer et protections familiales ; le débat public s’annonce nourri.
Points de vigilance et débats à suivre

Équilibre entre liberté contractuelle et protection des plus faibles : partenaires pacsés, époux économiquement dépendants, enfants et créanciers doivent rester effectivement protégés.

Sécurité juridique vs. simplification : alléger ne doit pas fragiliser les tiers ; d’où l’importance de garder des recours efficaces et des cadres codifiés, notamment pour les droits sociaux.

Acceptabilité sociale des changements successoraux : la réserve du conjoint survivant touche à des représentations fortes de la solidarité conjugale ; la pédagogie et les garde-fous seront déterminants.
Et maintenant ?

Ces 15 propositions, issues de plusieurs mois de travaux, seront débattues puis soumises au vote des notaires avant d’être, le cas échéant, portées à l’attention des pouvoirs publics. Elles n’ont pas de force normative en l’état. Les familles qui envisagent un Pacs, un mariage, un changement de régime ou une transmission peuvent d’ores et déjà se faire conseiller pour mesurer l’impact potentiel de ces pistes et, surtout, optimiser leurs choix à droit constant.

L’adresse originale de cet article est https://www.francetransactions.com/...

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